Depuis longtemps, j'écris des nouvelles. L'univers de la fantasy m'a toujours plu. J'ai donc imaginé une suite de chroniques dont le héros principal est à la fois acteur et témoin des évènements de cet univers. Je voulais retrouver dans ses histoires certains éléments tels que les dragons et les magiciennes. Je ne prétends pas à l'excellence, mais j'ai voulu créer des histoires plaisantes. Ces chroniques ont aussi pour but de donner corps à une histoire complète en apportant des éléments sur l'univers de "La compagnie des dragons".


L'histoire débute par la présentation de Père-Dragon qui raconte à ses enfants ses aventures en tant que soldat de la Compagnie des dragons.

Chronique II: Le Village Abandonné

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Depuis qu'ils avaient quitté la ville d'Avenai en cette fin d'après-midi, des nuages noirs s'amoncelaient au sud, annonciateurs d'orages. Père-dragon regardait le ciel avec appréhension. Il volait avec ses deux fils Wiy et Morgy au-dessus de la plaine d'Aven. Ils approchaient tout juste de la première chaîne de montagnes et étaient encore bien loin de chez eux. Il pressait ses enfants d'avancer. Si l'orage éclatait, ils seraient dans l'obligation de quitter leur apparence de dragons.

Et l'orage éclata. D'abord un éclair zébra le ciel, illuminant les trois dragons bleus. Puis le grondement du tonnerre se fit entendre d'un bout à l'autre de la plaine, entourant les dragons. Quelques gouttes de pluie tombèrent. Les dragons atteignirent enfin la lisière des montagnes quand soudain les éléments se déchaînèrent. Le vent souffla en bourrasque, les empêchant de voler. La pluie martelait leurs ailes immenses. Aveuglés par les éclairs, ils étaient ballottés dans tous les sens, gardant avec peine de l'altitude. La tempête se déchaînait autour d'eux. Et les pics des montagnes se dressaient devant eux leur barrant le passage. Père-dragon leur fit signe de descendre vers le flanc d'une montagne. L'averse redoubla de violence. A travers un rideau de pluie, ils distinguèrent ce qui ressemblait à un village fortifié typique de la région.



A peine, eurent-ils touchés terre qu'ils reprirent leurs formes humaines. Se protégeant de leurs capes de laine, Wiy et Morgy suivirent Père-dragon sur le sentier de pierre. A la pluie s'était mêlée la grêle qui tombait sans discontinuer. A travers cette tempête, Wiy aperçut une ruine se dressant devant le ciel chargé de nuages sombres. Père-dragon leur fit presser le pas. Enfin, ils purent se mettre à l'abri sous une charpente à moitié défoncée. La bâtisse en ruine était adossée au flanc de la montagne. Sous le toit déchiré, ils étaient à peine protégés. Cependant, Wiy et son jeune frère contemplèrent à loisir le paysage qui les entourait. A chaque éclair, la corniche où ils avaient atterri s'illuminait découvrant un paysage de désolation. Toutes les habitations du village étaient détruites. Des pans de murs s'étaient affaissés. Des toits n'apparaissaient que des poutres noircies.



Pendant ce temps, Père-dragon s'était tourné vers l'antique cheminée. Il cherchait quelque chose. Quand soudain, un pan de la cheminée s'ouvrit laissant apparaître une entrée obscure. Père-dragon craqua une allumette. Protégeant la petite flamme dans la paume de sa main, il alluma une torche qu'il avait trouvé dans l'entrée. Ils avancèrent alors dans le couloir taillé à même la roche. Leurs ombres furent englouties par les ténèbres avant que le mur ne se referme derrière eux. Ils descendirent une volée de marche, puis le chemin continua en pente douce. La flamme de la torche éclairait à grand-peine cette pénombre. Père-dragon tenait la lumière en avant, guettant le moindre obstacle. Tout à coup, ils débouchèrent sur une vaste salle toute en profondeur. Père-dragon leva plus haut sa torche et éclaira ainsi une voûte sculptée de volutes. Au milieu de l'arche, le blason d'un clan apparaissait plus ou moins nettement. Père-dragon s'affaira près d'une pierre et un feu s'alluma. Il passa ensuite le long de la pièce et alluma une à une, les torches qui l'entouraient, découvrant à chaque fois une nouvelle entrée. Wiy et Morgy s'étaient approchés du feu et tendaient leurs mains vers la chaleur. Leur courte escapade sous l'averse les avait laissés transis de froid. Une fois réchauffés, ils observèrent alors l'endroit où ils se trouvaient. Un rectangle de pierre trônait au milieu de la pièce. Le même blason ceignait les flancs de la tombe. Car c'était une tombe, certainement en l'honneur d'un personnage important. La crypte semblait contre toute attente ne contenir que ce monument. Père-dragon s'approcha du feu pour se réchauffer à son tour. Aussitôt, Wiy le questionna :



- Comment connaissais-tu ce passage ?
- Oh, c'est une histoire qui remonte à si longtemps.
En disant cela, les yeux de Père dragon se perdirent dans le vague.
- Quelle histoire ? Raconte-nous. Allez s'il te plaît.
Devant les nombreuses suppliques de ses enfants, Père-dragon, d'abord muet, finit par céder. Ils s'assirent à même le sol. Père-dragon s'adossa au mur, ferma les yeux et commença à raconter.







" - Je n'étais alors qu'une toute nouvelle recrue dans la compagnie quand le conseil des sages fut alerté par des nouvelles alarmantes. Ils envoyèrent aussitôt une escouade d'une dizaine de dragons de la compagnie dans les montagnes sans plus d'explication. Le message émanait des habitants de ce village où nous sommes actuellement. Ils étaient attaqués par les Khyens. Ne pouvant se défendre, ils avaient été obligés de se cacher. Pour les retrouver, seul l'officier du groupe détenait les informations les concernant. Mais il fallait faire vite. Une poignée de survivants attendait les renforts.



Cependant, nous étions étonnés du comportement des Khyens. Ils s'étaient avancés profondément dans le territoire des dragons. Tout ça pour attaquer un simple village perché sur une corniche. Cela n'avait pas de sens. Qu'est-ce qui avait bien pu les attirer là-bas ? Seuls les survivants pourraient nous expliquer cette attaque. Peut-être était-ce une nouvelle façon de faire régner la terreur. Mais cela semblait étrange.



Nous arrivâmes en vue du village. C'était un véritable spectacle de désolation qui nous attendait. Les maisons étaient pour la plupart détruites. Quelques foyers d'incendie persistaient au milieux des charpentes noircies. Des pierres éparses jonchaient le sol où nous nous posâmes. Nous étions sur le qui-vive. Nous prîmes notre forme humaine. Autour de nous flottait l'odeur des Khyens. Le capitaine se dirigea sans hésiter vers la bâtisse la plus grande, construite à flanc de montagne. Nous suivions, attentifs à ce qui nous entourait, au cas où un survivant appellerait à l'aide. Mais seul le bruit de nos pas meublait le silence pesant qui nous entourait.



Soudain, des ombres noires se dressèrent promptement sur les contreforts de la montagne. Les Khyens nous cernaient. Ils étaient trop nombreux. Nous ne pourrions leur échapper. Le capitaine nous pressa afin de rentrer dans le logis qu'il nous avait désigné. Nous le savions bien: nous ne pourrions pas échapper aux Khyens dans cette ruine. Quand une voix nous héla dans l'obscurité !



" - Par ici ! Vite ! "



La cheminée était entrouverte. Nous avons couru vers notre sauveur et avons pénétré dans le passage. Dehors, les Khyens lançaient l'attaque. Leurs cris aigus et sauvages se mêlaient aux grondements de l'attaque. Une fois le passage fermé, ce bruit assourdissant devint à peine audible. Nous suivîmes nos sauveurs jusqu'à cette salle où nous nous trouvons. Les survivants étaient là, réunis autour d'un feu. Ils semblaient en bonne santé, mais abattus. Leurs traits tendus et leurs cernes traduisaient leur peur. Leur chef Jancy s'avança vers nous.



" - Soyez-les bienvenue. Nous sommes contents de vous voir car cela veut dire que vous avez reçu notre message. J'espère que le reste de la compagnie va arriver bientôt. Vous vous en êtes certainement aperçu : Les Khyens sont nombreux et ne veulent pas lâcher le terrain. "
" - Seigneur, j'ai bien peur de vous décevoir. Mais nous sommes les seuls à être venu. " Répondit le capitaine. Le chef sursauta.
" - Il n'y a que vous ? "
" - Oui seigneur. Je crois que le conseil des sages n'a pas pris pleinement conscience de la gravité de la situation. "
" - Je m'en aperçois. Pourtant… " Jancy s'arrêta, réfléchissant à la situation. Il ne cessait de secouer la tête.
" - J'ai avec moi une douzaine de dragons, sans compter les enfants dont ma fille May. Ma femme Angy que vous voyez là-bas me seconde. Le reste du clan a été tué. Nous avons des vivres suffisants pour huit jours encore… "
Le capitaine l'interrompit.
" - Mais où sommes-nous exactement ? "
" - Dans un refuge construit dans la montagne par les sages d'Orakazai. Vous êtes ici dans la grande salle. Mais les différents couloirs que vous voyez mènent à d'autres habitations. "
" - Je ne comprends pas. "
" - Qu'est-ce que vous ne comprenez pas ? " Lui répondit le chef, excédé par des questions qui ne concernaient pas la survie de son clan.
" - Pourquoi les sages d'Orakazai auraient-ils construit un refuge pour un si petit village ? Et surtout pourquoi les Khyens vous attaquent-ils ? "
Le chef le regarda en silence, surpris par ces questions.
" - Alors ils ne vous ont rien dit. "
Mais un garde les interrompit :
" - Seigneur, venez vite. Les Khyens attaquent à nouveau ! "



Aussitôt Jancy se précipita derrière le garde suivi par mes compagnons d'armes. Nous montâmes un escalier étroit et débouchâmes sur une plate-forme. De façon astucieuse, des meurtrières avaient été aménagées dans la roche afin de surveiller les ennemis. Ainsi nous pûmes nous rendre compte directement de la gravité de la situation. Les assaillants prenaient position tout autour du village. Au milieu, deux géants défonçaient à coups de massue ce qui restait du village. Le capitaine se retourna vers le chef du clan :



" - Résumons la situation : nous sommes cernés par les Khyens sans aucun secours possible. Nous devons sauver votre clan… "
" - Et surtout sauver le grimoire. "
" - Quel grimoire ? "
" - Le grimoire que les sages nous ont confié, il y a fort longtemps. C'est la cause de nos malheurs. Il ne doit sous aucun prétexte tomber entre les mains des Khyens et doit être ramené à Orakazai la blanche. "
" - C'est donc ça. Si les sages ont construit cet abri, c'est pour y cacher un secret. Qu'a-t-il donc de si particulier ce manuscrit ? "
" - Je n'en sais rien. Je sais simplement qu'il fut confié aux sages par les magiciens. D'ailleurs, l'un des leurs est venu dès qu'ils ont pressenti l'attaque. "
" - Attendez voir. Il y a un mage ici et personne ne nous en a informé ? "
Jancy tendit le bras vers un coin de la salle. Les mains derrière le dos, un homme âgé se tenait droit, examinant la situation extérieure par une des ouvertures. Il détourna la tête pour fixer de son regard le capitaine.
" - Je suis venu à la demande de mon peuple, aider les vôtres. Malheureusement, tels vos sages, les miens n'avaient pas prévu ce nombre important d'ennemis. Mais si je peux vous aider dans ce moment difficile, je le ferais. A une seule condition. "



Le capitaine s'était approché de lui.
" - Quelle condition ? "



D'un ton sec, le mage lui répondit.
" - Là où va le grimoire, je vais. "



Sentant naître une tension entre les deux hommes, Jancy proposa de retourner dans la grande salle. Mais avant de descendre, le capitaine m'assigna avec JOY à la surveillance des Khyens. C'est bien plus tard que j'appris ce qui s'était passé entre notre capitaine, le chef du clan et le mage. Ils avaient décidé d'une diversion accomplie grâce à la magie. Pour distraire nos ennemis, pas besoin de plan compliqué. Il suffisait de connaître leurs principaux défauts. Et un Khyen, ce qu'il aime par dessus-tout, c'est les ténèbres, le pouvoir et l'or. Piller, Tuer, Voler sont ces passe-temps favoris. Mais pour l'heure, ce qu'ils voulaient, c'était le grimoire. Alors il suffisait de leur donner ce qu'ils étaient venus chercher. Evidemment, il s'agirait en fait d'un leurre : une image formée dans l'esprit du mage et projetée à un endroit bien précis. Le lieu choisi était un précipice. Le grimoire serait suspendu au-dessus du vide, mais le mage leur apprit que la durée serait courte, à peine une heure. Juste de quoi mettre suffisamment de distance entre eux et les Khyens. Il fut décidé que le clan et le gros de la troupe partiraient en premier et qu'un deuxième groupe ralentirait les Khyens si ceux-ci s'apercevaient de notre fuite. Le capitaine prendrait la tête du premier groupe, Jancy celle du deuxième groupe.



A la tombée de la nuit, alors que les Khyens, sous leur forme de semi-dragons, survolaient le village, le mage prépara son sortilège. Il avait tracé autour de lui un cercle. Il s'agenouilla au centre et commença à psalmodier. Le cercle prit feu soudainement. Devant lui le grimoire avait été disposé. Toutes ses pensées semblaient se concentrer sur cet unique objet. Puis, tout à coup, il leva les mains. Et nous entendîmes les cris des Khyens. Le précieux livre était apparu au-dessus du précipice. Et nos ennemis s'acharnaient à s'approcher de ce trésor si inaccessible. C'est à qui se battrait pour être le plus près et tenter sa chance. Leurs hurlements hystériques remplissaient la vallée. Quelques officiers tentaient de ramener le calme. C'était peine perdue.
Profitant de leur inattention, le premier groupe sortit, entouré de l'arrière garde menée par JANCY. Ils les regardèrent s'envoler tout en surveillant les Khyens. Puis ce fut au tour du groupe de Jancy. J'en faisais partie. Nous nous envolâmes rapidement. Nous suivions à distance l'autre groupe tout en assurant une surveillance discrète vers l'arrière. Puis peu à peu nous les perdîmes de vue. Mais une fois passée les dernières montagnes vers la vallée d'Aven, nous avons pu respirer. Personne ne nous suivait.



C'est alors qu'au détour de la dernière montagne, nous avons aperçu le groupe du capitaine en difficulté. Des Khyens restés en arrière les avaient attaqués. Le mage debout sur le dos d'un de mes compagnons tentait de lancer des boules de feu vers leurs assaillants, avec plus ou moins de succès. Nous arrivâmes à point nommé pour prendre la relève. Pendant que le capitaine me hurlait de les attaquer, Jancy s'était avancé toutes griffes dehors. Il s'attaqua au premier, arrachant sa chair noire, lui attrapant la gorge. Du sang coulait des plaies ouvertes de son ennemi. Chacun de nous s'approcha d'un des semi-dragons. Joy le plus expérimenté, lâcha un flot de flammes vers son adversaire, puis se précipita vers son cou qu'il brisa net d'un coup de griffe. L'odeur de chair brûlée saturait l'air environnant. Un Khyen me sauta sur le dos. J'eus juste le temps de le désarçonner avant de donner un coup de mâchoire et lui arracher une de ses pattes. Leur nombre reculait et nous en vîmes plusieurs foncer vers le village pour donner l'alerte.



Je regroupais les dragons et leur fit signe de partir. Il était plus que temps. Les cris des Khyens nous parvenaient. Trompés, ils étaient d'une humeur massacrante et je ne donnais pas cher de notre peau si nous tardions trop dans les parages. Nous avons alors filé vers la ville d'Avenai, poursuivis par les Khyens qui s'arrêtèrent lorsqu'ils aperçurent les murailles et surtout la troupe de dragons qui venait à notre secours. Arrivés à l'abri des fortifications, nous retrouvâmes sain et sauf le premier groupe. Mais alors que nous quittions notre apparence de dragons, Jancy s'écroula à terre. Sa femme Angy se précipita vers lui. Elle posa sa main sur lui, et quand elle la releva, elle était pleine de sang. Jancy avait été touché au flanc lors de l'escarmouche. Celui-ci attira le capitaine vers lui.



" - Capitaine, je n'en ai plus pour longtemps. Alors promettez-moi… "
" - Mais non, Jancy vous allez vous en remettre. Nos médecins sont très capables… "
" - Capitaine, je vous en prie. Prenez soin de ma femme et de ma fille. Amenez le grimoire aux sages d'Orakazai… "
Jancy toussa. Sa respiration devint sifflante. Le sang s'écoulait sur le sol.
" - …Et puis surtout ramenez-moi dans mon village. "



Sur ces derniers mots, ses yeux se sont éteints. Et il a rendu son dernier soupir. Et je me souviens de ce silence… Puis de sa fille à genoux qui tenait son visage entre ses mains, des larmes coulaient entre ses doigts… Oui, je me souviens des pleurs de sa femme… Et je me suis promis de tout faire pour réaliser ses dernières volontés.



Alors quelques jours plus tard, avec le capitaine, nous sommes retournés dans le village. Les Khyens étaient partis, mais laissaient une fois de plus un village dévasté, des familles anéanties. Nous lui avons construit une sépulture dans leur salle secrète. Et depuis Jancy y repose. Nous avons aidé Angy à ouvrir une auberge à la cité blanche. Elle n'a jamais voulu retourner dans son ancien village depuis l'enterrement de son mari. Trop de mauvais souvenirs. Sa fille May est entrée récemment à la compagnie des dragons. Je l'ai appris dans le dernier courrier de Joy qui est devenu instructeur à Orakazai. Le grimoire fut remis aux sages. Et je ne sais ce qu'il est devenu… "





Dehors l'orage s'était calmé. Mais il faisait trop sombre pour reprendre la route. Père-dragon décida de dormir à cet endroit. Autour du feu, Wiy l'observait allongé sous sa cape. Père-dragon, toujours adossé au mur, regardait la tombe en ruminant des idées noires. Et à un moment, il crut même voir une larme au coin de son œil. Mais peut-être n'était ce que le reflet des flammes sur son visage.

2 commentaires:

  1. J'ai adoré cette histoire sombre et triste. Les personnages sont très intéressants. Tout simplement j'adore...

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  2. n style d'ecriture simple mais bon, qui fait de cette histoire un bon moment de detente.

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