Depuis longtemps, j'écris des nouvelles. L'univers de la fantasy m'a toujours plu. J'ai donc imaginé une suite de chroniques dont le héros principal est à la fois acteur et témoin des évènements de cet univers. Je voulais retrouver dans ses histoires certains éléments tels que les dragons et les magiciennes. Je ne prétends pas à l'excellence, mais j'ai voulu créer des histoires plaisantes. Ces chroniques ont aussi pour but de donner corps à une histoire complète en apportant des éléments sur l'univers de "La compagnie des dragons".


L'histoire débute par la présentation de Père-Dragon qui raconte à ses enfants ses aventures en tant que soldat de la Compagnie des dragons.

Chronique III: Le Dernier des Rois-Dragons

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Caressé par un doux zéphyr venant du sud, Père-dragon, allongé sur l’herbe, profitait d’un soleil printanier. Derrière lui, les sommets des montagnes de Brines étaient encore enveloppés de leur manteau neigeux. Mais, dans la vallée, la nature environnante reprenait vie sous des températures plus clémentes. Père-dragon, un brin d’herbe au coin de la bouche, observait négligemment le ciel bleu, traversé de temps en temps par un nuage blanc et moutonneux. L’air chaud incitait à la sieste. Les enfants s’ébattaient dans la rivière en contrebas de la prairie. Père-dragon laissait ses pensées vagabonder. Les paupières lourdes, il commençait à s’assoupir. C’est le moment que choisirent les enfants pour remonter vers lui.
- Père, dis à Morgy que j’ai raison !
Wiy se tenait debout devant lui, rouge de colère. Père-dragon, interpellé, se releva sur un coude.
- Raison, pourquoi, Wiy ?
- Il n’y a plus de dragon-roi.
- C’est vrai Morgy, ton frère a raison. Le dernier des dragons-rois a disparu, il y a maintenant un certain temps.
- Mais alors, il n’y aura plus jamais de dragons-rois ?
Soy fut si triste à l’évocation de ce fait que père-dragon les attira tous les trois près de lui.
- Vos maîtres vous l’ont certainement enseigné. Wiy, Que vous ont-ils appris ?
Wiy, prenant une pose professorale, récita d’une traite sa leçon.
- C’est le conseil des sages qui gouverne le territoire des dragons. Il fut formé afin de gérer les affaires courantes du royaume. Le début de son histoire commença à la fin de celle des dragons-rois.
Père-dragon lui fit signe de continuer. Wiy poursuivit, fier d’étaler ses connaissances.
- Cette lignée s’est éteinte avec son dernier représentant, Westamy. Pourtant cette famille représentait la genèse du peuple dragon.
Père-dragon mis sa main sur l’épaule de Morgy. Celui-ci écoutait attentivement les propos de son frère. Ses yeux se tournèrent vers Père-dragon.
- Tu le sais Morgy. Tous nous l’apprenons lors de nos cours d’histoire : il y a bien longtemps au-delà des années et des siècles humains est né un enfant différent des êtres qui peuplent cette planète. Il est né d’étoile et d’essence divine. Il était le premier dragon. Il avait apparence humaine et se transformait selon son désir. Il était le premier des nôtres, en phase avec ce qui l’entourait. Au centre même du cosmos, il pouvait communiquer avec le divin. Et c’est ainsi que naquit la lignée des dragons-rois.
Mais Morgy ne semblait pas se satisfaire de cette réponse.
- Mais pourquoi le dernier dragon-roi a-t-il disparu ?




« - Vous savez les enfants, je ne peux que vous rapporter ce que mon propre père m’a raconté. Westamy était un jeune roi intelligent mais impétueux : un dragon blanc issu de la noble lignée des premiers dragons-rois. Il mettait toute sa fougue au service de ses sujets. Il n’hésitait pas à se battre au corps à corps avec les Khyens. Expert en armes, il était redoutable aux combats. Il prenait exemple sur son ancêtre, le légendaire Anthyl, héros de la bataille de Jaffay. Tout ce qui concernait le royaume lui tenait à cœur. Il était particulièrement affecté par les destructions commises par les Khyens. Leurs attaques étaient imprévisibles et se multipliaient depuis quelques temps aux quatre coins du territoire des dragons. Lassé de tant de violences inutiles, il consulta de nombreux savants et magiciens pour trouver une solution. Il attendit une réponse impatiemment, surveillant leur travail dans la bibliothèque du palais royal. Imaginez un peu la scène. C’était une vaste pièce tout en hauteur dont les murs étaient couverts de livres. Des colonnes surgissaient tout au long de la pièce pour supporter le plafond aux fresques éclatantes. Tout au fond, de grandes tables de travail étaient disposées. Des sages et leurs apprentis étaient penchés sur de vieux manuscrits, tentant grâce à leurs connaissances des langues anciennes de déchiffrer leurs secrets. Cependant, un jour que Westamy arpentait la salle, ses yeux tombèrent sur un ouvrage, laissé en évidence sur une table. Il y était fait mention d’une créature : la sentinelle. Il courût voir Dommy, le sage à qui son père avait confié son éducation. Il lui tendit le texte. Dommy, fidèle à sa réputation, lut calmement le manuscrit :

« - Dans la nuit sombre des temps anciens, Dieux et Déesses accordèrent à l’humain un seul et unique présent : une femme, sentinelle aux pouvoirs fabuleux dont le seul but était de défendre la race des humains et de les protéger parfois contre eux-mêmes. Les mortels acclamèrent cet honneur. La destinée se transmettait de femme en femme. Telle une statue d’airain, chaque génération accomplissait la prophétie, imperturbable. Rien ne pouvait y mettre fin. »
Dommy reposa le manuscrit et réfléchit longuement mettant les nerfs du prince à rude épreuve. Enfin, il prit la parole.


« - C’est intéressant, bien que je n’en aie jamais entendu parler. Il est évident que la sentinelle a perdu de son aura. Je me demande si le peuple des humains connaît également cette histoire ou s’il l’a tout simplement oublié ? »

Dommy secoua la tête. Ce manuscrit ne lui inspirait pas confiance et il se posait de nombreuses questions.
« - Connaissent-ils ses pouvoirs ? Et comment se fait-il que cette histoire ressorte au grand jour si soudainement ? Il faudrait réfléchir à tout ça avant de…»
Westamy n’écoutait que d’une oreille son professeur. La question qui le hantait était tout autre.
« - Je suis certain que c’est la solution à tous nos problèmes. Mais où pourrais-je trouver cette sentinelle ? »
Faisant appel de nouveau aux magiciens et aux savants, il leur ordonna de trouver au plus vite cette femme. Et au bout de quelques jours qui lui semblèrent une éternité, il eut enfin la réponse. Cette créature se trouvait aux confins du royaume, bien au-delà du fleuve Brinia, à la limite du pays des humains.

Aussitôt, Westamy fit appeler Maclay pour préparer son voyage. Maclay était l’aide de camp du Dragon-roi. C’était une charge normalement occupée par un officier plus jeune que le roi. Mais le père de Westamy, avant son décès, lui avait fait promettre d’honorer une dernière volonté. Connaissant le tempérament de son fils, il avait imposé à Westamy, Maclay, un dragon un peu plus âgé et expérimenté. Ce dernier descendait d’une des dernières lignées de dragons noirs. Sa famille était noble et possédait bon nombre de terres au nord-ouest du territoire des dragons. Le château de ses aïeux était bâti en haut d’une falaise et faisait face à l’océan. Cette position imprenable avait été maintes et maintes fois attaquée par les Khyens. Cette lignée de dragons était un allié fidèle de la couronne, proche des dragons-rois.


Westamy mit Maclay au courant de son projet : retrouver la sentinelle. Evidemment, celui-ci dissuada le roi de partir. Mais, le dragon-roi, entêté, mit son plan à exécution. Sans donner plus d’explications, il partit seul une nuit sans lune, laissant aux mains de ses fidèles dont Dommy, son vieux maître, la régence du royaume. Maclay, apprenant son départ secret, décida d’envoyer des troupes pour retrouver l’unique héritier de la couronne. Bien des semaines passèrent, les escouades de Maclay revenaient les unes après les autres bredouilles.
Puis, un jour, Westamy revint à Orakazai. Il n’avait pas perdu de sa superbe et survola sa cité en dragon blanc majestueux. Il tenait à montrer à tout le monde que sa recherche avait été une réussite totale. Il avait retrouvé la sentinelle. Aussitôt arrivé dans le palais, il convoqua Dommy et Maclay et leur exposa sa découverte. Il souhaitait rapatrier la sentinelle dans la ville blanche au plus vite. Il était sûr avec elle de tenir sa revanche contre ses ennemis jurés. Maclay le dissuada cependant de retourner seul la chercher et proposa de l’accompagner avec une escorte.

Dès la semaine suivante, le roi et son escorte prirent la route. Majestueux, ils s’envolèrent dans l’air radieux d’Orakazai sous les acclamations de la foule qui étaient venus assister à leur départ. Le roi arborait sa Tyare, symbole de sa royauté. Il donna le signal du départ. La troupe suivit le cours sinueux du fleuve. Puis au détour d’une courbe apparût une bâtisse blanche. La route blanche se terminait par cette petite forteresse aux murs blanchis à la chaux. Cadeau des elfes lors de la terrible bataille de Jaffay, cette bâtisse carrée aux quatre tours surmontées de créneaux marquait la fin de la route d’Orakazai. Ils décidèrent de faire une halte pour se sustenter. Cette pause fut de courte durée. Ils leur fallaient atteindre la lisière des montagnes avant la nuit. Ils établirent leur campement au pied de la première montagne de Brines. La nuit tomba rapidement, enveloppant le camp d’un silence reposant. Les dernières cendres du feu de camp se consumaient devant la silhouette du garde enveloppé dans sa cape. Mais tous ne dormaient pas.
Aux premières lueurs du soleil, Maclay retrouva le roi debout sur un promontoire. Il scrutait les nuages à la recherche du bon chemin. Sa main était posée sur le pommeau de son épée. Devant eux s’étendait une chaîne de montagnes recouverte partiellement de brouillard. Quelques arbres nus et noircis peuplaient cette nature hostile. Ils prirent leurs apparences de dragons. Le voyage au-dessus des sommets enneigés fut rapide. Mais ils approchaient du pays des humains. Ils arpentèrent les derniers champs cultivés du territoire des dragons et s’arrêtèrent bientôt pour reprendre forme humaine. Ils ne pouvaient à l’approche des terres humaines risquer d’effrayer les habitants de ce territoire.

À pied, au milieu des montagnes, le voyage était pénible et sans fin pour le Dragon-roi et ses compagnons. Le brouillard se déplaçait par nappes les privant de point de repère. De temps en temps, le sentier se faisait de plus en plus escarpé. Ils apercevaient encore et toujours des montagnes. Au loin, plus à l’Est, noyées dans d’épaisses nappes de brouillard, ils aperçurent les dernières montagnes marquant la frontière avec le pays des humains. Arrivés au bout de leur chemin, une auberge accueillante leur offrit l’hospitalité. Ils étaient épuisés. Et ils leur restaient encore une bonne distance avant de voir le village qui abritait la sentinelle. Ils louèrent des chevaux à l’aubergiste et reprirent leur chemin. L’air était limpide et ils entendaient les oiseaux chanter. Westamy devisait avec Maclay, quand soudain il s’arrêta net. Le silence.



Les oiseaux s’étaient tus. Un cri perçant retentit devant eux. Les chevaux se cabrèrent. Les Khyens surgirent autour de la troupe. Les dragons sortirent leurs épées, prêts à en découdre. Immédiatement, Maclay se précipita en avant pour aider l’escorte. Le dragon-roi brandit son épée, mais les Khyens sautèrent sur son cheval, le désarçonnant. Il tomba lourdement sur le chemin. Son cheval, emballé, partit au galop. Un Khyen le chargea alors qu’il se relevait. Percuté violemment, il tomba. Sa tête percuta brutalement une roche qui affleurait sur le sentier. Sa Tyare roula sur le sol. Un Khyen attrapa la couronne prestement. Et d’un sifflet rappela sa troupe. Ceux-ci disparurent aussi rapidement qu’ils étaient apparus. Des dragons étaient blessés, mais Maclay n’avait d’yeux que pour le roi, étendu sur le sol, une vilaine plaie à la tête qui saignait abondamment. Il décida de faire demi-tour et de retourner au plus vite chez l’aubergiste.



La nuit tombait lorsque Maclay revint avec la troupe le lendemain à Orakazai. La porte de la tour du palais royal s’ouvrit dispensant sa lumière vive sur les pavés du parvis. Puis la porte se referma alors que les serviteurs du Roi le portaient à l’intérieur. Le peuple, voyant le corps inerte du Dragon-roi, comprit la funeste nouvelle et pleura dans une seule prière. Mais il était déjà trop tard. La mort l’avait emporté. Dommy s’assit sur un banc un peu à l’écart, accablé de chagrin. Sur son visage grave, ses compagnons lisaient le désespoir de ne pouvoir rien faire. Maclay le rejoignit alors que l’on disposait le corps du roi sur un lit d’apparat pour la veillée funèbre. À voix basse, il lui expliqua en quelques mots l’embuscade. Dommy secoua la tête :
« - Mon dieu, pourquoi l’ai-je laissé partir ? Il serait encore vivant à cet instant. »
Maclay posa une main sur son épaule pour le réconforter.
« - Vous n’y êtes pour rien. Vous le connaissiez aussi bien que moi. Rien ne l’aurait arrêté. Mais je vous jure solennellement que je ne laisserais pas ce crime impuni et que je retrouverai la Tyare qu’ils ont volé et les punirai de leurs crimes. »
Dommy, les yeux fixés sur le dernier des dragons-rois, soupira.
« - Ce qu’ils ont volé n’a aucune espèce d’importance, Maclay. »
« - Mais c’est la couronne du roi, tout un symbole pour le peuple. »
« - Ce n’est pas sa couronne, ce n’est qu’une vulgaire copie. Jamais la Tyare véritable ne quitte les murs de la cité blanche. Elle se trouve à l’abri au sein de cette tour où nous nous trouvons. Mais cela n’a plus d’importance maintenant que le dernier des dragons-rois vient de s’éteindre.»



Dommy se replongea dans une tristesse silencieuse. Maclay s’approcha d’une des fenêtres. Un pli soucieux barrait son front. Dehors la foule s’était amassée sur le parvis. Silencieux, recueilli, le peuple des dragons pleurait son roi, perdu à jamais. Le lendemain, le conseil des sages fut formé. Dommy en prit la tête. Il était le plus sage d’entre eux. Maclay fut invité à y figurer aussi. Personne ne reparla de la sentinelle. Des affaires bien plus urgentes les attendaient. Les pillages Khyens reprirent dans le Nord, obligeant le conseil à envoyer des troupes pour protéger la population. »

Les enfants avaient écouté silencieusement Père-dragon. Soy poussa un soupir. Wiy et Morgy se regardèrent gravement.
- Alors personne n’a vengé le dragon-roi.
Wiy avait prononcé cette phrase d’une voix blanche. Père-dragon le regarda et secoua sa tête.
- Non. Personne.
- Mais la compagnie des dragons ?
- La compagnie a déjà assez de fil à retordre avec les Khyens. Et puis le conseil s’occupe de nos affaires. Je ne dis pas que c’est mieux qu’avant. Mais au moins le peuple dragon n’est pas livré à lui-même. Peut-être qu’un jour un autre dragon sera couronné roi, s’il fait suffisamment preuve de courage et de loyauté envers son peuple.
Il n’en fallait pas plus pour que les garçons s’imaginent en princes du royaume. Wiy se leva pourchassant Morgy dans la prairie. Ils tombèrent soudain, leur chute les entraînant dans une roulade mémorable. Soy, aux anges, battait des mains, riant aux éclats lorsqu’ils finirent leurs courses dans l’eau de la rivière. Père-dragon, un sourire aux lèvres, s’allongea à nouveau. Et tandis que les enfants s’éclaboussaient de nouveau, il ferma les yeux.


1 commentaire:

  1. Existe-t-il d'autres chroniques ? Cela fait plusieurs fois que je lis celles-ci.

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